Ostéopathie : Une Histoire de Vision et d'Innovation

L'ostéopathie a pris naissance dans le Midwest des États-Unis grâce à Andrew Taylor Still (1828-1917), un homme en avance sur son temps, qui était à la fois un anti-esclavagiste et un défenseur des droits des femmes. Il a acquis ses premières connaissances en médecine de manière empirique auprès de son père, Abram Still, qui était médecin et pasteur méthodiste originaire du Missouri. Devenu praticien itinérant, Andrew Taylor Still a rapidement réalisé que la médecine moderne de l'époque n'était pas toujours efficace et pouvait parfois aggraver les problèmes de santé. Son expérience en tant que chirurgien militaire pendant la guerre de Sécession l'a également amené à constater une moindre mortalité infantile dans les régions dépourvues de médecins.

En 1865, après avoir perdu trois de ses propres enfants atteints de méningite cérébro-spinale, il a été confronté à l'impuissance des thérapies conventionnelles de l'époque. Il a continué de pratiquer la médecine allopathique tout en approfondissant ses connaissances sur le fonctionnement du corps humain. Sa formation au Kansas College of Medicine and Surgery l'a laissé insatisfait en raison de la qualité de l'enseignement, et il n'a pas terminé ses études médicales. Cependant, en 1874, à l'âge de 46 ans, il a eu une révélation en examinant un enfant atteint de dysenterie. Il a remarqué que le dos de l'enfant était chaud et peu mobile, tandis que son ventre était froid. En utilisant ses mains pour traiter ces zones, il a réussi à soulager le jeune patient. Cela l'a conduit à poursuivre ses recherches et sa pratique clinique, en se basant sur l'observation et l'expérimentation.

Malgré le jugement sévère de ses confrères médecins et le manque de soutien de l'Église, Andrew Taylor Still croyait en sa capacité à guérir par ses mains. En 1892, il a fondé le premier collège d'ostéopathie à Kirksville, dans le Missouri, et a commencé à former ses propres enfants. Ainsi, l'ostéopathie est née et a été transmise. Cette thérapie manuelle repose sur une observation minutieuse du fonctionnement des différentes structures du corps humain.

Après plusieurs années d'expansion de cette nouvelle discipline, Andrew Taylor Still a cessé de pratiquer la médecine conventionnelle. Il a écrit plusieurs ouvrages exposant les principes et la philosophie de l'ostéopathie, ainsi que son autobiographie. Après sa mort en 1917, de nombreux successeurs ont perpétué cette discipline. Le premier d'entre eux était le Dr. John Martin Littlejohn, un Écossais qui a terminé ses études de médecine aux États-Unis et est devenu un fervent adepte de l'ostéopathie après avoir été guéri par Andrew Taylor Still.

En France, le précurseur de l'ostéopathie était Robert Lavezzari (1866-1977), qui a été formé par une élève d'Andrew Taylor Still, Florence Cat. Il a fondé la Société française d'ostéopathie et a collaboré étroitement avec des praticiens américains pour introduire la technique crânienne en France. Un kinésithérapeute, Paul Gény (décédé en 1996), a ensuite structuré la formation des professionnels en créant l'École française d'ostéopathie, qui est devenue l'École européenne d'ostéopathie. Au fil des ans, de nombreuses écoles et collèges d'ostéopathie ont vu le jour, principalement fréquentés par des kinésithérapeutes cherchant à élargir leurs compétences. Cela a parfois suscité des inquiétudes quant à une dilution de la philosophie propre à l'ostéopathie.

Pour répondre à cette préoccupation, certains ont plaidé pour l'indépendance de la discipline, ce qui a abouti à la création du registre des ostéopathes de France en 1981. En mars 2002, la loi Kouchner a autorisé l'exercice de l'ostéopathie sans être médecin. À ce jour, vingt-trois écoles de formation en ostéopathie sont reconnues par les autorités publiques.

Les différents principes

L'ostéopathie est une approche thérapeutique manuelle visant à résoudre les restrictions de mobilité qui affectent diverses structures du corps, telles que les articulations, les tissus, les ligaments et les muscles. Elle repose sur une compréhension holistique du corps, considérant ce dernier comme un ensemble interconnecté, contrairement à la médecine occidentale traditionnelle qui se concentre davantage sur les organes individuels. Le corps, y compris l'aspect psychologique, est considéré comme faisant partie de son environnement, qu'il s'agisse de facteurs écologiques, culturels, familiaux ou professionnels.

La structure influence la fonction, ce qui signifie que si une structure du corps est affectée, sa fonctionnalité peut être altérée. L'ostéopathe s'intéresse notamment à la structure osseuse et à la mobilité du squelette, car une perte de mobilité peut entraîner des dysfonctionnements des systèmes nerveux, musculaires ou circulatoires. Par exemple, un problème articulaire peut avoir des répercussions sur des fonctions viscérales ou nerveuses. Ainsi, une restriction de mobilité dans la colonne vertébrale peut provoquer des problèmes digestifs ou comprimer un nerf, affectant ainsi la transmission des signaux nerveux. De plus, une articulation rigide peut entraîner une tension excessive dans les muscles et les ligaments environnants.

L'ostéopathie vise à éliminer ces restrictions de mobilité pour permettre au corps de retrouver son équilibre naturel. Les liquides corporels, tels que le sang artériel, jouent un rôle crucial dans le bon fonctionnement du corps, et l'ostéopathe veille à ce que leur circulation ne soit pas entravée par des restrictions de mobilité. Cela rejoint le concept d'autoguérison, où une fois que les restrictions sont éliminées grâce à des techniques manuelles appropriées, le corps peut utiliser ses ressources pour fonctionner correctement.

Lors d'une consultation en ostéopathie, le praticien commence par poser des questions pour comprendre les symptômes du patient, ses antécédents médicaux, ses habitudes de vie et ses postures habituelles. Ensuite, il observe la posture du patient et effectue des palpations pour détecter les zones de tension ou de restriction de mobilité. L'ostéopathe utilise différentes techniques manuelles, telles que les techniques structurelles, fonctionnelles, viscérales, myotensives, fasciales et crâniennes, pour restaurer la mobilité et soulager les symptômes.

Les diverses approches manuelles en ostéopathie

Elles exigent des gestes de mobilisation et de palpation qui doivent être doux et non douloureux. Bien qu'il existe un vaste éventail de techniques manuelles, nous pouvons identifier six principales catégories, chacune d'entre elles pouvant être subdivisée en plusieurs méthodes spécifiques :

1. Les techniques structurelles : Elles visent à dégager une articulation en utilisant des mouvements rapides de faible amplitude. Ces manœuvres peuvent parfois produire un léger craquement. Il est important de noter que ce bruit ne provient pas des os eux-mêmes, mais de la libération de bulles de gaz dans le liquide synovial, qui sert de lubrifiant articulaire. C'est similaire au son que l'on peut entendre en craquant ses doigts.

2. Les techniques fonctionnelles : Ces approches reposent sur des gestes doux et lents qui favorisent la détente des muscles et des tissus entourant une articulation bloquée.

3. Les techniques viscérales : Elles sont utilisées lorsque la mobilité normale des organes est compromise, souvent suite à des interventions chirurgicales, des accouchements, ou des maladies. L'ostéopathe intervient manuellement pour rétablir la mobilité naturelle des organes.

4. Les techniques myotensives (ou d'énergie musculaire) : Dans cette méthode, le praticien encourage le patient à contracter un muscle contre une résistance, ce qui finit par provoquer un relâchement des structures musculaires. Cela permet de corriger les dysfonctionnements ou les restrictions de mobilité.

5. Les techniques fasciales : L'ostéopathe exerce une pression douce sur des zones spécifiques du corps, en identifiant manuellement les blocages dans les tissus et les fascias, qui sont des membranes qui enveloppent les muscles et les organes. Cette approche vise à restaurer la mobilité de ces régions, favorisant ainsi une meilleure respiration des tissus.

Ces différentes méthodes sont appliquées en fonction des besoins spécifiques du patient et des résultats de l'évaluation initiale effectuée par l'ostéopathe.

Les différentes applications de l'ostéopathie

L'ostéopathie ne prétend pas guérir toutes les affections, et dans certains cas, un ostéopathe peut recommander à son patient de consulter un médecin allopathe lorsque la pathologie relève de la médecine classique. Cependant, l'ostéopathie a montré son efficacité dans le soulagement de nombreux troubles et maux.

Voici quelques-unes des indications courantes pour lesquelles l'ostéopathie peut être bénéfique :

• Vertiges,

• Maux de tête, migraine, névralgie faciale, névralgie cervico-brachiale, sciatique, cruralgie (atteinte du nerf crural).

• Troubles gastro-intestinaux tels que hernie hiatale, gastrite, constipation, colite, ballonnements.

• Problèmes respiratoires comme la dyspnée, la rhinite, la sinusite.

• Douleurs et troubles gynécologiques.

• Maux de dos, incluant la lombalgie (lumbago), la dorsalgie, la cervicalgie, les douleurs intercostales, les douleurs aux articulations des membres supérieurs (poignets, coudes, épaules) et inférieurs (chevilles, genoux, hanches), ainsi que les tendinites et les entorses.

• Gestion de l'anxiété, du stress, de la spasmophilie et de l'insomnie.

Des preuves scientifiques soutiennent également l'efficacité de l'ostéopathie dans certaines conditions spécifiques :

• Les migraines : Une méta-analyse publiée dans le Journal of Pain Research en 2017 a montré que les techniques manuelles de l'ostéopathie pouvaient apporter un soulagement aux personnes souffrant de migraines.

• L'anxiété liée aux douleurs chroniques : Une étude américaine parue dans Health Psychology Open en 2018 a révélé que l'ostéopathie pouvait être un recours efficace pour atténuer les symptômes liés aux douleurs chroniques, notamment l'anxiété, la dépression et le manque de confiance en soi.

• Les douleurs d'origine vertébrale : Une évaluation de l'Inserm a suggéré que l'ostéopathie pouvait potentiellement offrir des solutions efficaces pour les douleurs d'origine vertébrale.

• L'inhibition de la douleur : Une étude menée à Madrid a montré que les manipulations vertébrales en ostéopathie stimulaient la sécrétion de neurotensine, d'ocytocine et de cortisol, des biomarqueurs contribuant à l'inhibition de la douleur.

• Les tendinites : Une étude publiée dans The Journal of Orthopaedic and Sports Physical Therapy en 2015 a suggéré que l'ostéopathie pouvait être bénéfique en cas de tendinite de la coiffe des rotateurs (épaule)."